Les mystères de
la météorite Tataouine
Cette mystérieuse affaire a commencé le 27 juin 1931 vers minuit, c'était à
Jerba une île du sud tunisien et c'était dans une garnison de l'occupant français. Les sentinelles observent une énorme boule de feu tomber du ciel, toute la garnison est prise de panique. Très vite, on s'aperçoit qu'il s'agit au fait d'une pierre tombée du ciel (une météorite) et les plus gros fragments sont sommairement recueillis (12kg) pour être envoyés à Paris aux fins d'analyse. Le reste, d'aspect vitreux, est abandonné sur place, faute d'intérêt pour de vulgaires cailloux sans qualités esthétiques particulières.
Cependant à Paris au
Muséum d'Histoire Naturelle, on identifie cette roche comme étant une
diogénite (
roche magmatique d'origine extraterrestre), on lui donne le nom de
Tataouine et le tout est archivé et tombe dans l'oubli.
Alain Carion et sa fameuse collection
Plus d'un demi-siècle plus tard, en 1988, le physicien
Alain CARION, collectionneur de météorites et fouineur d'archives à la bibliothèque du Muséum, exhume le rapport d'analyse et décide de réouvrir le dossier et de se mettre en chasse. Il commence par aller directement sur place. Il contacte des gens, il contacte la police locale à Djerba, plus personne ne se souvient de l'événement, mais grâce à son expérience du terrain, il retrouve le site de l'impact… En quelques jours, il récolte pas moins de 4 kilos, soit près de 4000 pépites.
Quelques unes des fragments recueillis par Alain Carion
En 1996, une autre météorite dénommée
ALH 84001 et découverte le 27 décembre 1984 dans la région d'Allan Hills, en Antarctique défrayait la chronique après que des chercheurs américains ont affirmé y avoir trouvé des traces de vie.
Dans un article publié en 1996, l'équipe de la NASA avait listé quatre indices suggérant l'existence, il y a plusieurs milliards d'années, d'une forme de vie au sein de la météorite : des structures ressemblant à s'y méprendre à des bactéries fossiles (exception faite de leur taille), des carbonates présentant une zonation chimique tout à fait particulière, des nanocristaux de magnétite similaires à ceux fabriqués par des bactéries sensibles au champ magnétique terrestre, et enfin des molécules organiques (HAP) identiques à celles qui se forment lors de la mort des cellules vivantes.
La même année au
Laboratoire des sciences de la Terre à Angers,
Alix Barrat consulte avec circonspection les rapports que la NASA publie au sujet de la fameuse météorite (diogénite aussi) ALH 84001, supposée d'origine martienne et qui renfermerait des traces fossiles de micro-bactéries associées à des globules de carbonates. Il sait que cette météorite a séjourné plus de 13000 ans dans l'Antartique et que, même dans ce milieu "impropre à la vie", des micro-organismes ont pu la contaminer.
Par ailleurs, à l'époque beaucoup de biologistes pensent que de si petites structures ne sont pas susceptibles de contenir tout le matériel indispensable à ce que nous connaissons de la "Vie".
Se souvenant du fragment de TATAOUINE, acheté deux ans plus tôt à Alain Carion, Alix soumet sa météorite à l'examen et ... surprise : ses analyses ne concordent pas avec les rapports précédents; mieux, il y découvre des carbonates identiques aux globules de ALH 84001 !
Il en déduit que, sur les morceaux ramassés directement après la chute, les carbonates n'étaient pas encore présents, alors qu'après 50 ans de villégiature en plein désert, dans des conditions aussi extrêmes qu'en Antarctique, les globules ont eut le temps d'envahir la roche !
Tataouine vue au microscope électronique
A Lyon, au
Laboratoire de géologie de l'ENS,
Philippe Gillet démontre d'abord que le sable à proximité de Jerba présente la même "contamination" de carbonates, il découvre ensuite au microscope électronique des bâtonnets de quelques dizaines de nanomètres, à peine plus gros que ceux d'ALH 84001 !
Au
Centre CEA de Cadarache, en 1999,
Thierry Heulin, spécialiste de l'écologie microbienne au CNRS, analyse le sable de TATAOUINE. Il met en évidence deux types de micro-organismes : des sphères de 800 nm et des bâtonnets de 200nm.
Ces derniers sont en fait les plus petites bactéries vivantes découvertes sur Terre ! Il est persuadé que les bâtonnets de ALH 84001 et de TATAOUINE ne sont que l'expression d'une contamination en milieu "stressant", ce qui aurait eu pour effet de réduire sensiblement leur taille.
A Lyon, au
Laboratoire de géologie de l'ENS,
Philippe Gillet, en l'an 2000, entreprend des travaux portant sur des cultures en milieu extrême afin de valider cette hypothèse. Ces expérimentations permettent de démontrer que le stress occasionné par la sécheresse extrême provoque des modifications morphologiques et l'apparition d'importants granules de polyphosphates comparables aux précipitations observées sur ALH 84001 et sur Tataouine.
Les opinions des scientifiques sont restées partagées, pour certains Tataouine est une météorite d'origine martienne et comportant des trâces de vie extra-terrestre pour d'autre non.
Aujourd'hui, en cette fin d'année 2005, l'affaire de la météorite de Tataouine est toujours classée mystérieuse et sans solution.